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un peu de moi, des autres et des mots
16 mai 2011

Le trou - partie 1

 

Cela fait des heures qu'il est assis sur son lit, face au mur.
Ses yeux fixent un minuscule point en face de lui. N'importe qui entrant dans cette chambre se dirait « il est étrange cet homme, simplement assis là, à fixer son mur », d'autre irait même jusqu'à penser qu'il est fou.

 En fait tout à commencer le 23 au soir du mois dernier.

Après sa journée de travail sur une chaîne de production, il est arrivé chez lui, reprenant un à un les gestes forgés par une vie de célibataire. Les chaussures en bon ordre laissées à droite de la penderie, les clés dans la soucoupe sur la desserte de l'entrée, lire les mails, manger un plat réchauffé en compagnie des catastrophes mondiales et des tragédies nationales, un film ou une série, une toilette sommaire et déjà l'heure de se coucher, de se ressourcer pour le lendemain avoir la force de recommencer.

Lumière éteinte il ferme les paupières s'attendant à sombrer dans une nuit sans rêve. Son corps se détend, son esprit commence à flotter au limite du conscient.
« eh … Regarde … Y a quelqu'un ».

Il ouvre les yeux, le coeur battant à tout rompre. Quelqu'un ! Il y a quelqu'un dans la chambre. Il se lève, bondit, dominant de son mètre 73 chaque chose dans la pièce.
Tremblant, hésitant, il finit par bouger, se sermonnant sur son manque de courage … et sa bêtise de ne pas avoir mis de batte de base ball à coté du lit. Avec ça au moins il aurait été capable de maîtriser n'importe qui.
Lentement il ouvre la porte de sa chambre, se félicitant cette fois d'avoir eu le courage d'en graisser les gonds. Il fait le tour des autres pièces de son F1, faisant attention à ne faire aucune bruit, sursautant au moindre mouvement des rideaux, criant quand le réfrigérateur s'est mis en route.

Finalement il se décide à allumer toutes les lumières et son environnent lui redevient familier. Se mouvant d'abord lentement au milieu des meubles choisis sans goût, il prend de l'assurance, finit par ouvrir toutes les portes des placards, allant jusqu'à vérifier que personne se ne se cache dans l'armoire à pharmacie.

Presque rassuré il se retourne se coucher.

Au petit matin son réveil peine à le sortir d'un sommeil trouble et sans valeur.
Même cérémonial sans ambition que tout les autres jours. Un petit déjeuner vite avalé, une douche dont l'eau a à peine le temps de chauffer, les clés dans la poche du pantalon et les chaussures … Inversées. Bien sur, cette nuit il a du les bouger. Il ne se souvient pas d'y avoir touché mais le rappel de ce murmure à peine soufflé suffit à mettre son cœur sans dessus-dessous.

Vient un nouveau soir, après une nouvelle journée de labeur, les chaussures, les clés … Après la vérification systématique des portes et des fenêtres, des placards et des coins sombres il se couche sur son lit, les chiffres de son réveil le regardant se tourner et se retourner. Il sent ses paupières se faire lourde, il …
« Regarde … il est revenu. »
Cette fois il en sur. Il entend distinctement les voix. Il ne bouge pas, rassuré par la matraque électrique sur la table de nuit. A peine s'il se tasse un peu plus sous sa couette trempée de sueur nouvellement apparue. Il tend l'oreille, la main, attrape la matraque.
« Regarde il bouge. »
Dans sa chambre ! Ils sont dans sa chambre ! Après être resté immobile, il décide aussi de ne plus respirer. Il attend, chaque fibre de son corps s'épuisent à ne pas bouger, tout ses nerfs sont saturés par l'ordre impérieux de ne faire aucun mouvement.
Puis son corps reprend vie. D'abord les doigts qui tirent doucement la couette pour libérer le regard. Les yeux qui bougent lentement en tout sens, inspectant chaque parcelle de la chambre à la recherche des intrus et le cou, qui permet à la tête de tourner pour couvrir chaque centimètre carré de la pièce.
Personne ! Personne ! Et pourtant ces voix il les a entendues, il en est sur. Sous son crâne. Il est fou, c'est cela. Prenant conscience de sa pathologie, il prend sa tête entre ses mains et …. Rien. Aucune pensée, aucune voix. Juste un grand vide, comme si cette découverte l'avait vidé de sa substance.

« Il bouge plus, tu crois qu'il est mort ? »

Il se tourne brutalement et fixe le mur. Si les voix étaient dans sa tête, il ne les entendrait pas derrière lui ! Il se jette sur le papier peint, déchire les lés que l'ancien propriétaire avait posé quand lui même n'était qu'un enfant. Le lit se couvre de confettis jaunis par le temps. Il voudrait arracher le mur. Ses ongles ne résistent pas au contact du plâtre et en dessous du béton. Il saigne et continue, la douleur ne parvenant pas à réfréner ce besoin de trouver, d’être enfin chez soi, en sécurité. Ses doigts écorchés coulent en trace rouge sur le mur. Il commence à faiblir.
Il ne sais plus pourquoi. Son cerveau perçoit enfin les signaux d’alertes des mains, et c’est tout le corps qui s’effondre. Il tombe plus sur le lit qu’il ne s’assoit et regarde son désastre. Si son esprit était encore entier il pourrait pleurer, mesurer l’ampleur de la dévastation tant intérieur que de ce mur mais il n’en peut plus, alors l’homme reste là, vide, fixant son œuvre, preuve de sa folie.

Il a mal, il le sait, il le sent mais il n’est plus capable de dire où. Est-ce que ce sont ses mains qui le font souffrir ou son  âme qui semble être amputée et qui crie son déchirement ?

Ses yeux ne quittent pas le mur. Ils suivent méthodiquement les chemins tracés par les lambeaux de papier arrachés dans le sang. Son regard vidé de son âme, flotte sur les rivières de sang.

Son œil s’arrête, fait marche arrière et jette une ancre invisible sur une tâche, une petite île là, juste en face de lui. Son cerveau sort de sa torpeur et regarde lui aussi.
A cet endroit le papier pourtant imbibé semble plus clair, juste une petite tâche mais elle est là. Il la fixe. Il la regarde. N’ose pas cligner des yeux. Puis comme si un tourbillon se formait le sang revient sur la tâche et disparaît.

Il se jette sur le mur. Hurle.

« Qui êtes vous ! Que me voulez vous ! » Le nez coller au mur il respire avec difficulté, sent l’odeur métallique qui se mélange à celle de la vieille colle et de la poussière.

Les larmes se mettent à couler sur ses joues. Pas des sanglots, juste des larmes. Des parcelles de ce qui reste de son équilibre qui fuient ce corps brisé, cet esprit en morceaux.

« Qui êtes vous ! »

La pièce n’est pas assez grande pour que l’écho de ce cri existe et pourtant il perçoit au loin une réminiscence de sa question.

« Qui êtes vous ! Que me voulez vous ! »

Il se sent prêt s’il le faut à briser ce mur avec sa tête.  Rien ne pourra l’arrêter, ni la douleur, ni le sang. Il doit savoir. Déjà la douleur dans ses mains s’estompe. La solution est là.
« Tu crois qu’il nous a vu ? »
Il est sur, la voix vient du trou, de cette île de sécheresse au milieu des rivières rouges. Il colle son œil à cet endroit et ne voit rien. Du néant, du noir. Puis comme une éclipse, quand la lune après avoir recouvert totalement le soleil se déplace, un croissant apparaît, grandit, puis une tête se montre.
Il ne bouge pas.

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Commentaires
T
Dérangeant, surnaturel, haletant, prenant...<br /> vivement la suite
B
Ne vous inquiété pas, la suite est prévue pour très bientôt. En fait elle est même déjà écrite et sa publication programmé.<br /> En tout les cas je suis très content que cela vous ai plus.
L
Un texte aux frontières du réel... flippant et très bien écrit tant il nous tient en haleine...<br /> J'ai hâte de connaitre la suite et de savoir ce qui se cache de l'autre côté du trou...<br /> merci<br /> J'aime bien les différents univers que l'on croise ici...
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